Le multimédia et l’interactivité nous ne dispensent pas de lire et d’écrire. Un exemple simple avec l’email : qui prend son micro pour envoyer un message audio ? L’écrit est l’expression parfaite de la communication selon Stéphane Bourhis de l’Agence Red-Act.
On dit que « Tout le monde sait écrire », encore faut-il avoir le temps et la plume facile ?
Ecrire pour Internet ou pour sa propre structure, écrire à la commande, réagir à une situation de crise ou préparer une campagne de fond intégrant une charte sémantique nécessitent la mise en œuvre d’une véritable stratégie rédactionnelle.
Stéphane, est-ce qu’on peut parler d’un style d’écriture particulier aux sites Internet ?
Ta question est cruelle. Je vois tellement passer de stage « comment écrire sur le net ? » que je souris. Que cela soit sur du papier ou sur Internet, il n’y a pas un « style » d’écriture. Depuis le temps, tout le monde l’aurait adopté.
Plus sérieusement, tout dépend du domaine et du message. Sur Internet, il y a différents styles de lecteurs aussi. On retiendra qu’il faut aller aux faits, être clair, utiliser un vocabulaire référençable et surtout ne pas écrire pour soi. Plutôt que « écrire pour et sur Internet », je préfère « donner à lire sur Internet » ou « donner du contenu » …
Là, on doit méditer cette citation de Jakob Nielsen, l’un des gourous du net : « Les internautes visitent un site pour son contenu. Tout le reste n’est que toile de fond. Le design doit faciliter l’accès au contenu ». L’écriture doit donc être particulièrement soignée.
Comment pratiques-tu le télétravail ?
Cela passe par des entretiens, la définition des besoins (essentielle !), les devis, et enfin la réalisation de la mission. Le télétravail, c’est le travail et l’Internet en plus. Si tu es performant, le client te remercie par sa fidélité et te recommande même à d’autres.
Que recommandes-tu à tes clients ?
Du sur-mesure ! Il n’y a rien de pire que d’avoir l’impression de lire partout la même chose.
Pour cela, il faut se mettre dans la position du lecteur et savoir créer de l’empathie, de l’intérêt.
Question texte, je pense qu’il faut toucher autant les lecteurs « rapides » que ceux qui veulent vraiment en savoir plus avant de vous découvrir ou d’acheter vos produits. Les contenus doivent être efficaces et porteurs de sens. Sans poids des mots, sur Internet, le choc des photos ne suffira pas !
Quelles sont tes 10 recommandations pour faire un site avec du bon contenu ?
10 seulement ? J’en aurais plutôt des centaines, mais sur-mesure.
Je n’aime pas résumer ce qui doit être une stratégie globale en 10 mots.
Je pense en premier lieu qu’il convient de ne pas faire un site pour faire un site.
Je conseillerais donc de bien réfléchir en amont du site internet pour mesurer les conséquences et obligations (mise à jour, suivi des ventes on line, etc.) qui découlent de la création de ce dernier.
Cela implique de disposer de contenus clairs, impactants et renouvelés.
Cela induit des créateurs, des rédacteurs en interne ou non, capables d’accompagner, « de nourrir » votre site Internet. Eh oui, avant de gérer un contenu, il faut le créer !
Quelles sont les écueils à éviter ?
Ce qui peut nuire à soi, à son image, à l’impact de l’entreprise.
Concrètement : louper son entrée sur la toile, par manque d’ambition, de moyens ou d’imagination. Il faut rester professionnel et cela n’empêche ni la créativité, ni le talent, ni l’humour dans l’expression.
Néanmoins, on n’oubliera pas que le monde d’Internet bouge et que celui d’hier ne fonctionnera pas forcément demain. Voilà quelques pièges à éviter…
Est-ce que tu es partisan du web 2.0 et du participatif ?
Je pense clairement que le web 2.0 est un atout fort car il remet l’homme, les hommes, les femmes au cœur du développement de mondes dynamiques et d’applications nouvelles. Second Life, par exemple, est une market-place en devenir. Plus sérieusement, blogs et wikis, lorsqu’ils sont portés par des passionnés tracent un chemin qui ira demain jusqu’à un Web 2.0, 3.0 ! J’ai pris part à différents Barcamp, ces réunions informelles de passionnés, je vous invite à en faire autant. Je citerais pour ma part les Barcamps 1,2, 3 de Strasbourg, drivés par Philippe Schoen. Là, le web 2.0 n’est pas un mythe !
Concernant le participatif, j’y suis favorable même s’il faut définir des limites pour conserver un contenu crédible et apportant une valeur ajoutée. Là, l’essentiel n’est pas seulement de participer, mais bien d’apporter un contenu valorisant et reconnu.
Est-ce que tu penses que les internautes sont capables de fournir de l’information objective ?
Nous allons aller de plus en plus vers de la transmission directe d’informations y compris dans les domaines les plus délicats. Du fin-fond de leurs grottes afghanes, les membres d’Al Qaida ont compris depuis longtemps qu’il fallait mieux faire circuler une vidéo sur la toile que de l’adresser aux ambassades les plus proches : Impacts et diffusions s’en ressentent clairement.
Là se pose la question de l’objectivité et du but recherché. Qui valide une information ? Si je suis favorable à la libre pensée et aux débats contradictoires, je ne peux que recommaner la prudence. Demain, certains peuvent avoir intérêt à déstabiliser un pays, une entreprise, une personnalité, en faisant circuler des rumeurs. Là, la question de l’objectivité est capitale. La toile n’est pas une bible, il faudra donc développer en même temps que cela un esprit critique et prévenir les esprits crédules que tout se vérifie avant d’y croire. De facto, partout où il y a information, il peut y avoir désinformation. Selon le sujet, des sources peuvent être tentées d’avoir des présentations contradictoires.
Comment les portails pourraient faire pour maitriser tout ces flux d’informations ?
Je m’interroge clairement là-dessus ! Qui valide quoi ? Qui sait ? Que sais-je ? Il existe des solutions techniques, mais après on fait quoi… On le voit avec Wikipédia, il y a des « querelles » d’experts et des conflits d’intérêts flagrants sur des sujets polémiques. Demain, ces débats peuvent rebondir sur des sujets de société, voire moraux… De la maitrise technique d’un flux d’informations à la maitrise du fond de l’information, le dérapage est possible. Là est le risque !
Par nature, je me méfie toujours des histoires et versions officielles. A ce jour, je ne vois pas de solution autre que, comme je l’ai dit plus haut, le développement de l’esprit critique et du souci de croiser toutes les informations. Se faire son opinion soi-même est encore la meilleure façon de s’informer.
Epic 2014 est un film historique, raconté en 2015, traçant la croissance du Web et la mort des médias traditionnels aux mains d’un conglomérat global connu sous le nom de Googlezon.
2014, 1984, Georges Orwell n’est pas loin et là, on projette autant de « possibles réalités » que de sérieuses peurs. Nous surfons ici entre science et fiction, à moins effectivement que cela n’ait déjà commencé… Il est indéniable que des regroupements s’organisent, mais par-delà les lois de la Jungle et celles du marché, il y a toujours eu des alternatives, des espaces, de nouveaux acteurs pour faire souffler sur la toile un « esprit de liberté ». Je suis sans doute naïf, mais j’ai confiance en cet esprit-là !
Si on se projette dans un univers de contenus multimédia et de podcasts, quel sera la place pour l’écrit ?
Voici un autre « monstre du Loch Ness » : la peur de la disparition de l’écrit ! Lorsque la radio est apparue, on annonça sa mort, ce fut la même chose avec le développement de la télévision. Quand Internet apparut, on prédit la mort du livre et pourtant livres et écrits sont toujours là (d’ailleurs, sans mon écrit là, que ferait le lecteur ?). Aujourd’hui, Internet intègre les techniques de la radio et de la télévision, l’écrit va s’adapter à ces nouveaux médias.
Comment tu vois ton métier évoluer dans ce cas ?
J’ai sans doute un côté révolutionnaire qui me fait dire qu’il faudra toujours faire rêver, apprendre, créer de l’émotion et donc « mettre l’imagination au pouvoir ». Que dire, la fonction évoluera sans doute, on écrira pour d’autres supports, on préparera les textes des podcasts, des vidéos. Je deviendrai sans doute à la fois rédacteur et dialoguiste, tout en restant concepteur.
Entre nous, alors que la qualité de l’écrit se perd un peu, je suis persuadé moi, que son impact gagne en force. L’écrit ne se truque pas, il n’est pas artifice et que dire, je crois encore en la parole des anciens. Ne disaient-ils pas que les paroles s’envolent et les écrits restent ?