Cyberworkers

Le télétravail à la campagne

Interview de Xavier de Mazenod, qui a créé un projet d’accueil baptisé ZeVillage, destiné à faciliter l’installation de télétravailleurs dans le département de l’Orne.  Zevillage.net est un site d’information et un réseau social du télétravail et du coworking ainsi que de toutes les nouvelles formes de travail.

Peux-tu te présenter, présenter ton parcours ?

J’ai été journaliste professionnel pendant 14 ans, dans la presse écrite puis je suis tombé dans le monde du Web que j’ai découvert en 1994. En 1996, j’ai créé une webagency pour monter des projets éditoriaux en ligne.

 

J’ai eu la chance de débuter dans ce milieu à une époque de pionnier.
J’ai donc pu découvrir les métiers et les usages du Web en cours d’élaboration. Après cette période de découverte, après la folie de la « bulle » où tout semblait possible, après une fusion, j’ai recréé une société de conseil aux entreprises, Adverbe (www.adverbe.com), pour me concentrer sur les aspects éditoriaux et la communication par le Web : conseil éditorial, gestion de son image et de sa réputation en ligne, adoption des usages participatifs issus de la tendance du Web 2.0.

Depuis combien de temps es-tu en télétravail ?

Dès 1994, je me suis intéressé au télétravail de manière pragmatique en gérant une partie de mon travail à distance. A l’époque, j’utilisais surtout le téléphone et le fax et l’email, de manière marginale.
Puis l’ADSL est arrivé et, petit à petit, des outils de plus en plus collaboratifs. Depuis le simple blog privé ou le wiki pour échanger des informations, les systèmes pour envoyer des fichiers lourds ou les outils de téléphonie/visio sur Internet jusqu’aux plates-formes collaboratives plus sophistiquées.
A la fin des années 90, mon bureau était installé dans une cabane, dans mon jardin de Nanterre, à côté de Paris. Un jour je me suis rendu compte que je pouvais passer toute la semaine sans aller à Paris. Pourquoi pas habiter ailleurs, un vieux projet familial jusque là impossible ?
Au moment où j’ai créé Adverbe, en 2003, nous avons pris la décision de quitter la ville. Nous avons alors trouvé la maison de nos rêves sur Internet. Ce fut donc la campagne normande, dans l’Orne. Heureusement, le Conseil général venait de lancer un plan d’équipement haut débit (avec la technologie sans fil Wimax) de la totalité de son territoire. La condition pour pouvoir travailler.
Depuis, non seulement je télétravaille mais en plus je conseille les entreprises pour adopter ce mode de travail collaboratif à distance.

 

Peux-tu nous expliquer en quoi consiste Zevillage ?

Quand nous avons quitté la région parisienne, nous avons fait beaucoup d’envieux. Je me suis alors demandé pourquoi ils ne passaient pas à l’acte. Et j’ai constaté que la plupart des candidats au départ avaient peur de l’inconnu. J’ai donc créé un projet d’accueil baptisé Zevillage, doté d’un site web (www.zevillage.net), destiné à faciliter l’installation de télétravailleurs dans le département de l’Orne.

Nous aidons les candidats, si besoin, dans toutes leurs démarches et nous les faisons parrainer par un élu local qui est leur référent pour toutes les questions liées à leur installation.
Parallèlement, j’ai créé un club professionnel informel (près de 90 membres aujourd’hui) constitué de nouveaux habitants et d’anciens, afin de faciliter l’intégration professionnelle et pour servir d’entraide technique ou commerciale.
En 3 ans, nous avons reçu environ 160 demandes d’installation « sérieuses » qui ont abouti à une dizaine de visites du territoire et à 5 installations. C’est peu à l’échelle du pays mais c’est énorme à l’échelle de notre communauté de communes. A noter que nous sommes bénévoles, sans structure et sans budget. Si, à partir du laboratoire de Zevillage les territoires ruraux engageaient ce genre de démarches d’accueil pour attirer des télétravailleurs, cela contribuerait à régler les problèmes d’aménagement du territoire…
Si l’on en juge par un sondage BVA de 2007, 8 millions de citadins désireraient quitter la ville. Les territoires ruraux ont un beau vivier de prospects s’ils veulent bien créer les conditions d’accueil.
Malheureusement, les élus locaux méconnaissent souvent les besoins de ces « rurbains » télétravailleurs. La première chose que les candidats demandent avant de s’installer c’est la qualité de la connexion à l’Internet. Pas les subventions existantes ni les exonérations ni l’adresse du supermarché le plus proche. Non, la qualité du débit.
Pour aménager leurs territoires ruraux les élus devraient penser très vite à l’équipement en fibre optique. D’autant que le déploiement en ville est commencé. C’est au moins aussi important que les autoroutes à camions, si ce n’est plus, car la fibre permet d’éviter des déplacements physiques.

Quelles sont les difficultés que l’on peut rencontrer pour télétravailler à la campagne ?

Vivre à la campagne ce n’est pas un problème si c’est un choix, un projet de vie. C’est plus simple, moins cher qu’en ville pour la plupart des détails de la vie. Sauf pour les déplacements car, hormis les transports scolaires, il n’existe pas ou peu de transports en commun à la campagne.
Télétravailler, contrairement à une idée reçue, ce n’est pas être isolé, à condition de vouloir échanger avec les autres et de s’organiser. C’est assez facile pour les indépendants qui télétravaillent car, par nature, ils savent travailler de manière autonome. C’est plus complexe pour des télétravailleurs salariés pour lesquels il faut prendre plus de précautions.
Il faut d’abord qu’ils soient volontaires et ne pas leur donner l’impression qu’on les met sur une voie de garage hors de l’entreprise. Il faut régler les questions juridiques (avenant au contrat de travail) pour déterminer le cadre du travail, les horaires, la prise en charge des assurances ou de l’ordinateur, etc. Et puis former les futurs télétravailleurs à l’utilisation des outils de travail à distance.
Et puis, pour maintenir le lien social, il peut être souhaitable d’organiser des rencontres physiques régulières. Pas pour travailler mais plutôt pour assurer la fonction « machine à café » de l’entreprise.
Pour les indépendants, la grande difficulté c’est souvent l’action commerciale. Ce problème existe aussi en ville mais il est peut-être plus criant à la campagne où le marché local est petit voire inexistant. C’est pour cela que nous mettons en garde les candidats à l’installation sur le danger de cumuler leur déménagement avec une création d’activité. Il vaut mieux arriver avec son métier et son portefeuille de clients.

 

En tant que vice-président du Réseau national des télécentres comment vois-tu le rôle des télécentres pour développer l’activité en milieu rural ?

Le réseau a été créé fin 2004 par la Diact (alors la Datar) pour soutenir son appel à projets en faveur des télécentres ruraux. Doté de 3 M€, il visait à créer plusieurs centaines de postes de travail en milieu rural. Le lancement a été fait à Alençon lors d’un colloque sur le développement rural que j’avais organisé au Conseil général.
J’ai accepté d’entrer au conseil d’administration, pour voir, malgré mon scepticisme. Le télécentre est un concept ancien, qui se justifiait quand on n’avait pas de haut débit chez soi ni d’ordinateurs assez puissants pour travailler. Aujourd’hui il est moins utile, sauf dans certains cas précis.
Il ne sert à rien d’installer un télécentre dans une petite commune et d’attendre le chaland devant la porte ! C’est le syndrome de la zone d’activité artisanale : aménager un terrain ne suffit pas à faire venir des entreprises.
En revanche, un petit télécentre léger (3 ou 4 bureaux et une salle de réunion), polyvalent, mutualisé avec des équipements pour le grand public de proximité peut devenir un centre de ressources et de services. Pour des télétravailleurs de passages, pour des télétravailleurs « pendulaires » (qui alternent le travail bureau-hors bureau) ou pour des indépendants qui veulent recevoir des clients, ne pas travailler chez eux, organiser une réunion ou une formation.
Nous envisageons la création d’un tel centre de services dans Zevillage parce que nous avons une communauté préalable, active, qui a exprimé des besoins. Il y a encore deux ans cela n’était pas d’actualité.

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